Veille initiatives, engagements, participation, micro-dons, insensible, sensible.
L’autre jour, au moment de payer mes pâtes chez franprix, la machine à carte bleue m’a demandé si je voulais donner mes 0,14 centimes aux femmes - victimes de violences. Le dispositif s’appelle l’ARRONDI, c’est pas nouveau, il y en a pour toutes les causes, et franprix y participe activement. Ça change régulièrement. Après c’était le cancer. Et ça marche, depuis 2016.
C’est bien connu, les petits ruisseaux font les grandes rivières ; c'est par la somme des petits gestes que l’on y arrive, etc. C’est comme ça que ça marche, qu’on avance : petit à petit.
Cela dit, vue la réussite vraisemblablement garantie du principe, est-ce si pas important d’avoir et d’y mettre un peu de conscience ? Le résultat, le solde positif, fait le job à ce point ?
Comment dire Marketing… il va falloir quand-même à un moment commencer à faire un peu attention à ce que l'on manipule et à comment on le manipule car c'est sensible en fait.
Dans ce solde positif, il me semble que rien ni personne n'est valorisé, bien au contraire. Dans mon cas, cette mécanique ne me donne jamais l'impression d’être un ruisseau avec mon éventuel petit geste. Bizarrement, à chaque fois, je suis surprise par cette goutte d’eau à la fin qui fait déborder.
L'autre jour, je n’ai encore pas donné. Mais cette fois, cela m’a encore plus gênée. Alors j’ai pris le temps de lire la feuille A4 collée à côté. À la lecture en diagonale je retiens : arrondi en caisse, en faveur des femmes, du 3 au 8 mars. Tout est limite.
C’est limite. Tout ça, mis en même temps, sur un même plan, dans le même sac, à la caisse du franprix, en voulant payer des pâtes. Tout ça c’est-à-dire mon intention première d’acheter des pâtes, mon parcours en mode automatique pour prendre les pâtes, le hen(?) quoi(?) encore cette gêne au moment de faire le code, la mécanique rodée, la cause, les mots, les capitales, la hiérarchisation de l'information, le rose, les 6 jours et au suivant, la femme marronnier, les pâtes à 3,86 euros, les 0,14 centimes. Ça fait lourd à porter.
La force du micro-don réside je crois dans le fait de permettre de donner, un petit peu, pour quelque chose qui nous tient à coeur. Mais cela se fait de manière volontaire, adressée, engagée et consciente. Dans ce cadre tout existe, est réel et considéré : le geste et tout ce qu’il engage, la cause et tout ce qu’elle représente, tout cela aussi petit soit le montant du don. Et dans ce cadre, l’option du non ou du oui d’ailleurs à la caisse n’existe pas.
Faudrait pas, à vouloir bien faire, enlever l’initiative aux gens. Ça lui enlève tout son sens. Voire tout y est maltraité.
Je ne veux pas donner mon arrondi aux femmes (même victimes de violences, lisible seulement dans un second temps), là, comme ça. Pire. Je n'ai même pas envie que des gens donnent leur arrondi aux femmes là, comme ça. Je ne veux pas donner mon arrondi aux femmes écrit en rose, là, comme ça. Je ne veux pas donner mon arrondi aux femmes, du 3 au 8 mars bon sang. Je ne veux pas donner mon arrondi aux femmes tout court. Je ne veux pas donner mon arrondi aux femmes victimes de violences, comme on micro-épargne, de manière insensible pour le porte-monnaie. Il se trouve que là, c’est et cela doit rester sensible en fait. Et pas parce qu'il s'agirait de femmes, victimes de violences (j'en suis même plus là…), non. Parce qu'il devait s’agir de sensibiliser, au départ. C'est valable pour le cancer aussi.
Certainement que le dispositif marche (sur quel indicateur ?), autrement il ne serait pas renouvelé je pense. Mais nous sommes là, derrière ces non, ces oui, ces sujets. Et il y aurait des choses à entendre pour essayer de faire un peu mieux et surtout avec plus d’égard.
Combien de marques et d'enseignes cherchent à devenir des “lovemark”, en allant notamment sur le terrain de l’émotion. Dans cette quête du graal, et s’il faut vraiment la mener, pourquoi ne pas essayer d’y aller de manière plus cohérente et consciente. Si la direction est de s’engager, pourquoi ne pas le faire pour des causes plus en lien avec la marque et sa fonction ? Déjà, ç’aurait plus de sens je me dis. Et penser un dispositif qui engage la marque, sans condition d’un oui ou d’un non personnel à la caisse. Peut-être que cela permettrait aussi une communication responsable, sensible au sujet, au message et à ce qui reste. Qui sait, on serait peut-être moins les acteurs et les consommateurs de ce grand supermarché lambda, renouvelant ses rayons, ses causes, et ses têtes de gondole tous les lundis.